Rose
Six heures du matin. Les premiers rayons du soleil dorent le banc de granit appuyé contre la maison. Silencieuse, une vieille femme sort et s'assied. Après de longs moments d'immobilité, elle se penche, cueille un brin d'herbe qu'elle roule entre ses doigts. Maintenant son regard - " Tes yeux sont comme une horloge sans aiguilles, disait-il, quand tu me regardes, je ne vieillis plus. " - est comme une caresse à ce qui l'entoure : la cour où depuis longtemps déjà l'herbe est devenue folle, le rosier aux fleurs rarement cueillies, le chat indifférent qui dort à ses pieds. Du flou de sa rêverie naissent, parfois, des images dont la netteté, la transparence même, la font sourire.
Se mêlant à cette longue minute de bonheur retrouvé, un voix s'élève dans le noir béant de la porte ouverte :
" Rose, apporte-moi le bassin. "
D. Varin